PROLOGUE
Est-ce que vous voudriez bien
me suivre sur scène ?
Est-ce que vous voulez bien observer
votre scène, celle de vos vies,
de ma vie, de nos vies ?
Si on imagine que le monde est un vaste
théâtre, quels en sont les protagonistes ?
Les personnes anonymes,
celles qui s’illustrent par leur pensée,
celles qui s’illustrent par leur création,
celles qui dirigent,
et celles qui soutiennent ces dernières
et encore une instance, la Justice,
peut-être même une entité suprême
qui dépasserait l’humain…
C’est ce monde théâtral que cette pièce
veut mettre en scène,
un monde d’excès,
un monde rempli d’opposés,
un monde d’absurdités comiques,
un monde de multiples universels,
mais un monde dans lequel
chacun a son rôle à jouer,
un monde d’humains anodins et
extraordinaires en somme.
Réalité, fiction, où se trouve
véritablement la frontière ?
Sans doute aux limites de la
représentation…
Alors bon spectacle !
____________________________
LES FOUS DU ROI
(à moitiés courbés en signe de soumission,
avec un regard malicieux)
Oh mais oui, Maître,
Vous serez le Roi, le tyran même,
Des gâteaux et des eaux,
Pourvu que vous soyez le maître
Incontesté du bas peuple infâme,
Qui pourrit ces gâteaux et ces eaux !
LE ROI
Mais oui, mais oui, mais oui
Mes gentils et braves fous,
Soyez loyaux envers vous
En étant loyaux avec moi !
Réduisez avec moi
Ces lamentables vermines
Qui souillent
Les meilleurs de nos ingrédients
En se croyant savants !
Profitons du peuple laborieux,
Peu importe qu’ils soient malheureux
Pourvu que nous puissions construire
Le meilleur de notre avenir
Sur leur cerveau décrépi par le labeur.
Pour nous est venue l’heure
De les faire souffrir voire périr
Ceux qui empêchent mon ascension,
Peuple, philosophes, artistes
Transcendance ou Justice
Je n’ai que faire de leurs opinions
Qui nuiraient à mes désirs
Si je ne savais m’en déprendre
Avant qu’ils n’aient eu l’occasion de me perdre !
___________________________________
Scène 2
Le peuple laborieux, l’artiste, le Philosophe,
la Transcendance
LE PEUPLE LABORIEUX
Quel infâme, quel impie
Que ce roi, qui de nous, se rit ainsi
Car oui, c’est bien de nous qu’il sourit
De nous qu’il s’amuse,
C’est bien nous surtout qu’il abuse !
Mécréant qu’il est,
Indigne d’exister
Si petit par la taille que par la cervelle
Il croit nous abuser
En contrôlant nos mets
Et croit que cela se passera sans étincelles.
L’ARTISTE
S’il prend les gâteaux et les eaux
Il ne volera point mes pinceaux
Et encore moins mes mots
Les idées pour s’exprimer
N’ont pas besoin de matériaux
Car tout intelligent qu’il est
A cela il n’a point pensé.
LE PHILOSOPHE
La pensée, la pensée,
C’est bien ce qui semble lui manquer !
Les rois sont tous des décérébrés
Dont l’âme s’est trop vite envolée
Dont le cœur s’est trop vite desséché
Dont l’humanité a trop vite trépassé.
Le pouvoir leur monte à la tête
Et semble pour eux justifier leur quête.
Leur soif, leur appétit, leur envie
Semblent justifier leur mépris.
______________________________
Scène 6
L’artiste, le peuple laborieux
L’ARTISTE
Même ma feuille ne saurait trembler
Devant un roi qui se croit si grand
Alors que sa grandeur n’égale
Que ses centimètres manquants.
Mes créations, peut-être,
Pourraient résoudre
Le trouble qui m’envahit
Si elles étaient établies,
Amarrées en un port solide,
Duquel je pourrais montrer le sordide
De notre terre avec sa misère
De notre ciel avec ses caches clairs
De notre mer avec ses éphémères
De notre roi qui crée notre Enfer !
Mais voilà, comment savoir
Que l’entreprise réussira
Si je suis seul à vraiment vouloir
Qu’elle terrasse ce rat d’opéra ?
© Coralie Folloni, Extraits de Le roi veut tout, Editions Valrose, 2008.