Un cas de conscience – James Blish

La science-fiction ou une pieuvre séduisante déploie ses tentacules prolifiques

Tout novice que nous puissions être, il serait bien dommage de réduire la science-fiction à une seule catégorie, à un terme ou un qualificatif tant ceux-ci s’imposent nombreux dans leur triomphe réjouissant.

Ne nous laissons donc pas abuser par de faux a priori stériles, la science-fiction est riche, dense et bien plus complexe, au sens noble du terme – n’ayons pas peur des mots – que ce à quoi nous serions tentés de la réduire, si nous passions notre chemin trop vite.

En effet, Un cas de conscience existe et le prouve…

Certes, les amoureux de l’action seront déçus ainsi que ceux qui craignent les lectures un peu exigeantes. Et, pourtant, James Blish utilise différentes références scientifiques, philosophiques et théologiques pointues, qui s’offrent aux lecteurs avertis mais n’entravent pas les autres, ne les privant pas du pur récit et du voyage proposé.

A case of conscience de James Blish parut en 1958 à New York, et sa traduction française, en 1959 à Paris. Il reçut le Prix Hugo en 1959. Le texte fut d’abord refusé par plusieurs grandes revues américaines de l’époque. Le magazine If publia la première partie du roman sous forme de novella, en 1953.

Nous voilà donc sur les traces de quatre hommes d’une délégation scientifique qui a été envoyée sur Lithia. Ils doivent choisir si les Lithiens et leur planète seront exploités ou délaissés…

À ce jeu-là, Cleaver, Ruiz-Sanchez et les autres ne s’entendent pas car les pions usés sur l’échiquier sont différents.

Toujours est-il que Lithia est découverte et décrite. Tout le charme de la planète opère grâce aux évocations métaphoriques et poétiques de l’auteur. Le Nature lithienne séduit aisément, comme son grand arbre qui semble au coeur de l’essentiel… Un univers assez onirique s’ouvre alors sous nos yeux ébahis. Les Lithiens sont finalement très sympathiques et courtois. À un tel point que cette excessivité positive semble apparenter Lithia à l’Eden… Mais quel paradis ? Qui en serait le créateur ? Cela interroge le père Ruiz-Sanchez, biologiste et prêtre jésuite…

Puis, le lecteur observe la Terre. L’ambiance et le décor y sont bien moins sympathiques, à moins d’affectionner l’excès bétonnier, une paix apparemment menacée, les médias et autres choses tout aussi agréables !

Un cas de conscience a donc déployé, habillement, une partie des tentacules de la pieuvre en plantant le décor poétique de la splendeur lithienne. Et James Blish fait fleurir d’autres beautés sur les tentacules restant à travers les réflexions proposées. À se demander, si, au-delà du cas de conscience mentionné dans le titre, plusieurs cas de conscience ne pourraient pas se poser à nous.

Des thèmes comme le Bien, le Mal, la religion y apparaissent et s’y développent. Si le roman n’est pas rythmé par les actions elles-mêmes, un réel rythme narratif permet au lecteur de suivre les personnages, tout en étoffant le récit d’un fond réflexif de qualité.

Penser est autorisé et même vivement recommandé pour apprécier l’épaisseur du roman !

Revenons donc à nos Lithiens et Terriens. Le portrait dressé de Lithia est à première vue enchanteur. Celui de la Terre ne laisse pas rêveur. Les Terriens se posent quelque part en juge des Lithiens…

Quelles notions avons-nous du Bien et du Mal ? Quelle vision les Lithiens en ont-ils ? Comment cette vision évolue-t-elle si on y ajoute un regard religieux ?

Au fond, Lithia est-elle si nuisible quand, pour prendre un exemple, l’usage que la Terre permet des médias peut porter sur le devant de la scène une créature populaire?

Nous sommes en 2017 et Blish écrit ce roman dans les années 50. « Visionnaire » précisa son éditeur. C’est le moins que l’on puisse affirmer à l’heure où les hommes politiques de différents pays utilisent eux-mêmes les médias comme tremplin électoral.

Un univers onirique, des références philosophiques, scientifiques et théologiques, Un cas de conscience constitue un agrégat savoureux de ces différents éléments. Et il a le mérite de poser de réelles questions qui, pour beaucoup, sont encore d’actualité.

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