Le vieil homme et son double – Joe Haldeman

Un livre écrit d’une main de maître, avec les traits du génie !

On pourrait sans doute ne plus présenter longuement Joe Haldeman, bien connu pour La guerre éternelle. Cet Américain a finalement une oeuvre peu exhaustive, ce qui explique sans doute en partie, le grande qualité de ses ouvrages, et celle très marquante de, Le vieil homme et son double. L’ouvrage fut primé, recevant les prix Nebula en 1990 et Hugo en 1991 et on ne s’en étonne pas.

Pourquoi ? Il est facile d’encenser un auteur en le qualifiant de « génie ». La démonstration reste à faire. C’est partie !

D’abord, parce que Haldeman va au-delà de la science-fiction (nous y reviendrons).

Ensuite, car il aborde à nouveau le thème de la guerre du Viêt Nam, qui reste modique, mais bien présente, bien décrite et tout à fait prenante.

Enfin, car la construction narrative de l’ensemble est prodigieuse, proposant un roman que l’on a envie de garder en main jusqu’au terme de la lecture, pour savoir ce qui va se passer tout simplement.

Et encore, car la fin est riche, amenant le lecteur à s’interroger, lui laissant le loisir de l’interprétation, liberté très agréable, et non inconfortable.

John Baird, un universitaire spécialiste d’Hemingway, rencontre un faussaire, Castle. Naît l’idée de récréer intégralement les nouvelles de Papa (surnom d’Hemingway) perdues en 1922. Mais, comment le faire ? Comment être crédible dans l’écriture ? Il faudra trouver la bonne machine à écrire, que l’on aperçoit sur la couverture de l’ouvrage et, bien entendu, le bon papier. Mais aussi les bonnes histoires. La tâche n’est donc pas si aisée. Le jeu intellectuel est plaisant.

D’ores et déjà, un plaisir de la lecture est affiché. Le thème du travail de l’écrivain y est abordé avec une parcimonie qui satisfera les curieux, sans ennuyer les autres.

Tout va bien jusqu’au moment où, John rencontre un inconnu, le sosie d’Hemingway lui-même. De là, l’espace-temps prend un sens différent, les mondes parallèles font leur apparition avec cet avatar. Le voyant la toute première fois, John ne peut que se questionner : est-ce un être surnaturel ? ou son état de lucidité induirait-il que le sosie d’Hemingway, qui le passionne tant, ne soit que pur fantasme ? Voilà l’aspect fantastique de l’ouvrage !

Le roman commence finalement comme une sorte de policier, présentant une association de malfaiteurs, se poursuit avec cette touche de fantastique.

Ce n’est qu’ensuite que nous nous sentons réellement dans un roman de science-fiction, tels que les codes habituels le laissent attendre, mais avec une finesse inédite. Le vieil homme et son double demeure en ce sens un roman transgenre.

À n’en pas douter, ceux qui n’apprécient pas la science-fiction, pourraient bien y trouver leur compte. Quant aux puristes, ils pourraient être déçus, ou en apprécier l’originalité ! Sortir de son confort de lecture est loin d’être mauvais pour la santé !

Sans en déflorer les ficelles essentielles, la fin nous entraîne dans un voyage spatio-temporel édifiant. Nous pouvons littéralement être avec le narrateur, tant l’écriture est fine et partager sa propre confusion. Ai-je bien compris ? On reviendrait volontiers sur quelques pages antérieures pour être sûr de ne pas être perdu. Haldeman a voulu nous promener avec son personnage et il y réussit merveilleusement bien. Aussi, les trente dernières pages pourraient décoiffer un chauve.

Le vieil homme et son double, c’est donc tout cela à la fois, un roman transgenre, un récit extrêmement bien construit et bluffant, une fin décoiffante, pouvant provoquer un enthousiasme extraordinaire. Le type d’ouvrage enfin qu’on peut relire plusieurs fois, sans se lasser, afin de découvrir les jalons que l’auteur a dû poser avant de nous mener dans un sillon final bien agréable.

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